Note d’intention
Dans le cadre de mon travail sur les portraits d’arbres intitulé « Arbonirisme », l’expérience du rêve et de la réalité s’exprime par le traitement de la photographie : l’angle de prise de vue en contre-plongée, les couleurs accentuées, les contrastes intenses et la luminosité vive créent une limite floue entre le concret et l’abstrait, entre la photographie et l’art pictural, entre le rêve et la réalité, entre souvenirs et visions.
Plonger dans le passé
L’arbre est un témoin du temps : les saisons s’y montrent comme sur aucun autre être vivant, et son tronc compte les années, les siècles, parfois les millénaires. L’arbre généalogique est symbole de la famille, des liens du sang. Il rassemble ceux qui se lient, ceux qui naissent, mais aussi ceux qui portent notre histoire familiale.
L’arbre, le lieu des rêveries enfantines, des cabanes, des fruits dévorés au milieu des branches : les souvenirs de vacances chez mamie, lorsque l’on grimpe au prunier pour manger les fruits gorgés de sucre et de jus, sans redescendre toucher terre ; ou lorsqu’on s’allonge dans l’herbe,
aveuglé par quelques rayons de soleil filtrés à travers les feuilles qui s’épanouissent, le bruit du vent qui s’y glisse nous berce dans une rêverie entre éveil et sommeil, ni tout à fait au monde, ni tout à fait endormi. Ce moment entre-deux du corps et de l’esprit nous emmène entre figuratif et abstrait.
Rêver au présent
L’arbre nous envahit alors d’une nostalgie heureuse, nommée Natsukashii en japonais. Au Japon, nous retrouvons, tout au long de l’Histoire de l’art, des peintures d’arbres, notamment de cerisiers,
avec ses branches aux petites fleurs délicates, qui ont inspirés nombre de peintres du XIXe siècle, et notamment Van Gogh, qui n’y est pourtant jamais allé. Il l’a imaginé, il l’a rêvé, il l’a fantasmé dans chaque touche de peinture de ses amandiers en fleurs, peut-être allongé dans l’herbe, sous les branches d’un arbre, dans un moment de rêverie. Une touche, un pétale, une trace, une branche… Des gouttes colorées, des feuilles d’automne, des coulures, des rameaux, l’esprit humain peut plonger comme dans les Drippings de Jackson Pollock où l’imagination est sans
limite. Qu’y voyez-vous ? Quelques cellules sous un microscope ? Un paquet de bonbons et de sucettes ? Les arbonirismes deviennent des tests de Rorschach qui révèlent la personnalité du spectateur.
Les branches et les racines d’un arbre se font écho, comme un miroir, mais rappellent également le système neuronal du cerveau : les branches et les feuilles des arbonirismes représentent finalement le cerveau lui-même, en train de rêver.
Se projeter dans le futur
Sous l’arbre, nous envisageons l’avenir, nous rêvons du futur, en tant qu’individu, mais aussi collectivement. L’arbre, l’unicité au cœur de la forêt, société parfaitement liée et solidaire, pour offrir de l’ombre, ou au contraire laisser passer la lumière. Les arbres s’entraident entre eux, ont une générosité silencieuse sur l’ensemble du vivant. Un exemple pour nos sociétés humaines, pour atteindre l’équilibre, la paix.